L E X IC O S T Y L

a) Récit de base de Raymond Queneau :
Récit
Un jour vers midi du côté du parc Monceau,sur la plate-forme arrière d'un autobus à peu près complet de la ligne S (aujourd'hui 84) j'aperçus un personnage au cou fort long qui portait un feutre mou entouré d'un gallon tressé au lieu de ruban.Cet individu interpella tout à coup son voisin en prétendant que celui-ci faisait exprès de lui marcher sur les pieds chaque fois qu'il montait ou descendait des voyageurs. Il abandonna d'ailleurs rapidement la discussion pour se jeter sur une place devenue libre.
Deux heures plus tard, je le revis devant la gare Saint- Lazare en grande conversation avec un ami qui lui conseillait de diminuer l'échancrure de son pardessus en en faisant remonter le bouton supérieur par quelque tailleur compétent.
b) Lire les 99 versions proposées par Raymond Queneau lui même sous le titre "Exercices de style"
c) Exercices grammaticaux proposés par Corinne Abensour in  Nouvelle Revue Pédagogique n°2 Octobre 1993 ( Nathan)
d) Pour découvrir 807 variantes de ce texte allez sur le site : http://cafe.etfra.umontreal.ca/cle/nexstyle.html



Exercice :
Saurez vous attribuer ces 4 discours à leur famille d'origine d'après les classements du CCA :( - Egocentrés - Matérialistes - Rigoristes - Décalés )
Repérez ensuite les mots clés de centre d'intérêt (en vert) les qualificatifs de valeurs (en rouge) les tics d'expression (en bleu)
Vous aurez ainsi reconstitué les le déca-style, l'égo-styl, le maté-styl et le rigo-styl. A vous de vous situer...


1 - J'avais envie de prendre le bus. le métro, c'est super pour jouer de la musique, mais je voulais changer. A la limite, tu sais, le bus ça fait genre aventure. C'est génial, tu sens le machin dangereux.
En plus, c'est sympa, y  a un peu de pub dessus, des trucs fous. mais pour la communication, c'est pas ça: dans le bus, c'était le délire. un mec, super excité, se battait pour s' imposer. Il s'est engueulé avec un autre type. T'imagines, le mec genre long cou. Il avait un vieux chapeau des familles avec une tresse au lieu du ruban, carrément ignoble, tu sais. Y avait une super place de libre. Il s'est assis, tu sais, dans le bus, bonjour la compétition !
Deux heures après à Saint Laz, je le retrouve. Il était avec un mec qui paraissait vraiment aussi chiant. Il trouvait que les boutons de son imper, ça n'allait pas.


2 - Vendredi, j'ai pris le bus pour aller voir mon beau-frère. Avec lui, il y a de l'ambiance. On devrait s'y retrouver avec des copains pour faire la fête. Vous avez relativement le choix à Paris au niveau des transports en commun, mais à la base, si vous voulez, qui dit bus, dit pas cher. Dans le métro, vous me direz, c'est pareil, mais y a plus d'immigrés déjà.
Moi finalement, le bus, ça me dérange pas. mais y avait un type bête en costard-cravate avec un long cou et un chapeau. déjà à la base, c'est vrai, il m'écoeurait. moi, j'étais content, tu vois, j'avais mon nouveau blouson, je demandais rien à personne.
Mais  lui fallait quil dérange. il s'est attaqué à un gosse qui lui marchait sur les pieds. puis il a magouilléfinalement pour avoir une place libre. Tu vois, ça, ça m'écoeure.
Après , j'allais à la gare Saint Lazare pour retrouver mes copains du foot, et qui je revois, lui ! Y avait quelqu'un avec lui qui lui disait quelque chose au niveau du bouton de son costard.


3 - Au fond le bus, c'est indispensable. Si vous utilisez votre voiture ça revient très cher. Y a l'assurance et l'essence que vous payez, faut pas l'oublier. Souvent on est tenté, mais moi personnellement j'appelle ça du gaspillage. Aujourd'hui si vous prenez le bus, vous achetez un ticket, ça vous coûte 6,50 francs, c'est tout bénéfice, y a pas de problème.
En général, la majorité des gens dans le bus sont sympathiques. mais au fond il y a peu de contact, j'en connais qui des fois, se gênent pas. L'autre matin il y avait un gars qui s'accrochait avec son voisin. Admettons qu'on lui marchait sur les pieds. le gars, bon, c'était un jeune. Il avait un long cou et un grand chapeau , comme on fait certainement maintenant, avec une petite tresse au lieu de ruban.
Ca doit revenir cher ce folklore. Au fond, ce sont encore les magasins qui font du bénéfice en vendant ça. En plus, il prend la seule place libre. Personnellement moi j'ai des principes. Remarquez, y a principes et principes. Ca dépend. mais moi, je juge que la moralité c'est primordial. C'est comme la santé, c'est sacré.
Deux heures plus tard, j'allais voir mon fils près de la gare Saint Lazare. je voulais l'aider à faire du bricolage chez lui dans son petit appartement. Et je revois le gars du bus. Souvent y a des hasards, je me demande pourquoi. Il parlait avec un autre gars qui lui expliquait qu'à son opinion, un bouton c'est un bouton et qu'à sa place il en achèterait un autre pour son veston.


4 - En France, actuellement, il y a une crise des valeurs. Ecoutez, nous avons l'avantage d'avoir un pays propre, avec une culture française, c'est important. Il ne faut pas que cela disparaisse. Malheureusement et spécialement dans l'autobus, à notre époque, les gens ensemble ne se respectent plus. D'ailleurs le taux d'insécurité évolue, et je considère qu'on peut et qu'on doit en prendre conscience. C'est peut-être une question de mode mais autrefois, on laissait sa place aux dames d'un certain âge. C'était normal.
Maintenant c'est presque entièrement différent. Hier, par exemple, je prenais l'autobus. J'ai vu un individu au long cou et au chapeau sinon extravagant, du moins étonnant, critiquer son voisin ouvertement, je ne sais exactement pour quelle raison. J'estime qu'il faut savoir se tenir quand même. Evidemment, cet individu a pris la seule place libre alors que devant lui il y avait une dame. Les gens ne savent plus vivre. A mon avis, il aurait fallu parler au chef de station. C'est une question de morale. Il ne faut pas laisser faire ce genre d'individu.
Deux heures plus tard, je rejoignais la gare Saint Lazare. D'ailleurs le service de la SNCF n'est plus ce qu'il était. Il faut dire la vérité. dehors j'ai revu cet individu, il parlait avec quelqu'un de son espèce. Il était question d'un détail pratique, une histoire de bouton. Voilà, actuellement on ne parle plus que de mode.

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