Je pense à vous ce soir Jules Supervielle
Je pense à vous et c'est l'automne en ce pays
C'est toujours à tort que l'on parle l'amour en tête
Mais je vous parle Jules Supervielle
Entre nous de longs enfants des filles de préférence
De grandes journées en Uruguay
Les flammes de la pampa.
Je pense aussi à Oloron le gave lèche les pierres
J'y fus voici combien d'années
C'était à la Maison Pommé
Il y mourait des jeunes gens
J'aime ces pays dont vous parlez et qui ont l'allure des femmes
On dit que les chevaux s'emballent
Comme un foulard à la portière du wagon
Pardonnez moi Jules Supervielle je devais écrire un article
Où j'aurais dit la grande la douce solitude de vos écrits
Et je me laisse soudain aller à quelque chose d'informe comme
un poème
Simplement parce que j'ai vos livres sous les yeux et que je vous aime
Ah voyez- vous c'est difficile de s'interdire
Dans cette vie quelques minutes de loisir
Et de parler à coeur ouvert à un ami qui vous ignore
Comme on peut avec les ridicules moyens du bord
Je me suis dit ce soir après l'école ne tarde pas
Il y a un ami qui t'attend
Il est là-haut dans ta chambre avec toutes sortes d'animaux
J'entendais un grand pas partout dans la maison
Et vous marchiez peut-être à ce moment dans la rue Vital
Ou dans un chemin creux de Saint Gervais la Forêt
Qui est sûrement un patelin merveilleux
J'ai dit parlant aux ombres qui voyages Voici la pomme et la statue
Et voici Jules Supervielle
Ah vous voici cher Supervielle dans le miroir à
peine éclos de la fenêtre
Ecartelé avec ce monde qui bat en vous sur le côté
Voici Jules Supervielle dis-je et dans la certitude obscure de demain
Enfin voici un grand bonhomme sur le chemin
Une silhouette jeune comme le vent et la luzerne
Voici la haute lanterne là-bas dans le domaine du cheval
Voici l'auberge le rendez-vous de tous les jours et le festin le plus
original
Ah Saisir et rien n'échappe à ce grand corps qui se redresse
Aussi haut que la pomme et le sin des déesses
Dans l'étendue lunaire et sans spectacle
A vous seul comme vous en faites des miracles
Bien sûr vous n'attendiez rien de moi
Car l'on n'attend rien de personne
Je vous écris depuis longtemps
C'est un bonheur de vous écrire
Il semble un peu qu'on se rapproche de ces pays qui n'ont un sens qu'à
travers vous
On marche aux pas des animaux faciles
Parmi tous les amis connus et inconnus
Il y a celui -là si grand qui nous rassemble
L'homme pareil à l'Homme
La troublante effigie
Et malgré tout je n'ai rien dit de mon amour Jules Supervielle.
Voir l'émission consacrée à Jules Supervielle dans
"Un siècle d'écrivains" sur FR3
http://www.sv.vtcom.fr/fr3/ecrivain/superv.html