15 rue Monsieur Paris VII
16 janvier 1948
Cher Monsieur,
Merci pour votre lettre du 13, et pour la feuille qui l’accompagnait. J’ai été comme stupéfait (bien que ce ne soit pas ma première expérience en ce genre) de la similitude de nos points de vue, et même de nos expressions. Il se produit certainement en ce moment ci, de par le monde, une convergence spirituelle extraordinaire, - cequi n’est pas après tout  que la face interne d’une « hominisation » collective qui saute à tous les yeux. Ce que j’apprécie particulièrement dans votre attitude, c’est l’absence complète d’illuminisme et d’ «orientalisme», - les deux pestes ou maladies de tant de mouvements humains unitaires.
Je comprends parfaitement que vous vous arrêtiez avant la quatrième « option » . J’observerai cependant que, si vous ne l’acceptez pas sous sa forme particulière (càd.chrétienne), vous gardez la charge de fournir à l’ultra-évolution humaine unprincipe d’irréversabilité (càd. Une issue à travers et au dessus du « décomposable ») et une chaleur intérieure (possibilité d’aimer l’Univers, et de s’y aimer.)C’est en tant que fournissant l’évolution prise sous sa forme réfélchie (càd.humaine)  à la fois cette irréversabilité et cette chaleur motrice (de personnalisation) que le Christianisme me paraît représenter un rouage ou organe indispensable dans l’Humanité conçue comme « appareil évolutif », - quitte à admettre (si l’on n’ets pas chrétien) que cet organe sera plus évolué. Auquel cas, il s’agit de le remplacer, non de le supprimer ; - de le remplacer, j’entends, au sens strict,- càd. en trouvant quelque chose qui rende l’Univers encore plus irréversible et encore plus chaud.  
Par le même courrier, je vous envoie untiré àpart d’un article (sur la « Noosphère »), qui achèvra de vousfaire sentir la parenté et la convergence de nos points de vue.
Bien sympathiquement.
Teilhard de Chardin.