Dès le premier numéro, il affirme son autonomie vis-à-vis des partis et son indépendance financière. L'idée en sera ré­gulièrement reprise jusqu'à la fin.
On peut distinguer deux parties nettement délimitées dans l'histoire de "Monde" :
de 1928 à fin 1932, de fin 1932 à 1935.
Dans la première, "Monde" s'efforce d'être un journal large, indépendant, mais non neutre, et nettement opposé à l'ordre établi. Il situe son combat au niveau de l'information et de la vérité, qu'il estime révolutionnaire.
Son Comité directeur comprend A. Einstein, M. Gorki, U. Sinclair, M. Ugarte, M. de Unamuno, L. Bazalgette, M. Morhardt; ses rédacteurs principaux sont H. Barbusse, A. Habaru, L. Werth, E. Berl, G. Altmann,S. Priacel, A. Rossi.
Il entreprend donc d'éclairer ses lecteurs par une large information dans tous les domaines, de la politique à l'art.
C'est ainsi par exemple qu'il lance en 28-29 une grande et remarquable "enquête sur la littérature prolétarienne", et en 1929-30 un débat malheureux sur "la crise doctrinale du so­cialisme" auquel ne prendront part pratiquement que des so­ciaux-démocrates retirés de la vie politique.
Cette largeur de vue tombe souvent dans l'éclectisme.
Il s'efforce également de rapprocher travailleurs manuels et travailleurs intellectuels, en fondant notamment les "Amis de Monde", mais par la force des choses la revue sera essen­tiellement une revue pour intellectuels.
"Monde" souhaite enfin dégager et susciter un "grand art de masse, aux perspectives collectives et panhumaines", ce qui l'amène notamment à publier des textes littéraires d'ouvriers, et à accorder quatre pages intérieures au groupe des écri­vains prolétariens de juillet à octobre 32 (sans compter la collaboration individuelle de plusieurs d'entre eux avant cette date).
La deuxième partie de la vie de la revue est beaucoup plus politique.
Nous savons par le microfilm qui contient les déli­bérations de la direction du P.C.F. à l'époque et qui se trouve à l'Institut de Recherches marxistes, que dès la fin 1929 l'Internationale Communiste s'inquiète des positions idéolo­giques d eMonde et alerte le Bureau politique du Parti Commu­niste Français. Le B.P. va en débattre plusieurs fois au cours de l'année 1930.
 Il est unanime à condamner l'orientation poli­tique de" Mond"e, et formule ainsi ses reproches : esprit de conciliation idéologique, volonté de se mettre au-dessus des classes, ce qui freine la lutte nécessaire contre l'idéologie bourgeoise, idée de l'unité ouvrière à tout prix, sans base révolutionnaire précise, sans lutte idéologique ferme contre le réformisme. A ces griefs s'ajoute celui d'utilisation de groupes d' "amis de Monde" à des fins oppositionnelles. Se greffe là-dessus le Congrès de Kharkov de 1930 qui condamne, et l'orientation politique de Monde, et sou orientation littéraire. Les délibérations du congrès ne sont connues en France qu'à la fin 31 et n'ont que peu de répercussions. Mais le B.P. souhaite redresser l'orientation politique de Monde sans sa­border le journal et en ménageant Barbusse. Celui-ci ne se laisse pas convaincre facilement. Il faudra beaucoup de ren­dez-vous manqués, de discussions, de lettres et même d'arti­cles (par exemple celui de Paul Vaillant-Couturier dans "L'Hu­manité" du 28 juin 1932 : "Monde"? Non !
Un nouveau "Monde"?  Oui!) (1) pour que fin 1932 Barbusse accepte de changer l'é­quipe rédactionnelle de Monde, qui repartira alors jusqu'à sa fin sur des bases nouvelles, très politiques. A cette époque, guerre et fascisme menacent. C'est l'époque du mouvement Amsterdam-Pleyel.
Le corpus
Comme Françoise Pérus pour "Commune", nous avons été gêné de ne recenser que les articles de critique littéraire. Une revue est un tout, conçu dans sa globalité par son équipe de rédaction. Cela est particulièrement vrai de "Monde", qui porte la marque de son directeur Henri Barbusse.
1 - Voir à ce propos Wolfgang Klein: "Barbusse et le mouvement  littéraire communiste autour de la conférence de Kharkov",
Numéro spécial d' "Europe" sur "La littérature prolétarienne en  question", mars-avril 1977.
Maxime NEMO ne participera ni au "nouveau Monde" ni au numéro d'Europe de 1977 puisqu'il est décédé en 1975. Il nous manque cependant les courriers adressés à Barbusse lors de sa réponse à "l'enquête sur la littérature prolétarienne" de 1929.