Les Pharaons 15 (la Voix des Poètes N°50)  1973 Numéro spécial Jules Romains :la ferveur fraternelle.

Direction  Simone Chevallier

CHRONIQUES UNANIMISME ET CONNAISSANCE DE SOI par l’Arbitre       

Ont paru deux ouvrages qui rendent la foi en la dignité humaine : l'un à la Pensée universelle : L'acte de Vivre de Maxime Nemo, l'autre chez Albin Michel : Le Piéton des nuages (feuillets du temps volé) de Gabriel Delaunay.

L'ACTE DE VIVRE est un livre difficile, hautain ; mais d'un esprit modeste bien qu'il ait entrepris la tâche ambitieuse de sonder le fleuve mystérieux de l'évolution humaine :

« Au-delà des contingences dont elle se plaît à multiplier le nombre, la Vie est-elle animée d'un secret pouvoir que, pour une raison impénétrable, elle aurait pour fonction d'introduire dans l'écoulement du Temps — nature d'une nature seconde, qui serait la nature essentielle? C'est à cette question que notre inquiétude se heurte, engendrant une anxiété dont rien ne nous délivre... Une nature « X » qu'on ne sait d'où venue, sortie d'on ne sait quoi, qui provoque cette confrontation de l'état et de /'être où se découvre le pathétique de notre condition ».

Ce n'est pas la science qui résoudra le problème :

La science répugne à envisager le phénomène qui nous concerne essentiellement et qui est celui de la conscience.

Ni surtout la science actuelle :

« Jamais l'Histoire ne fut à ce degré dépouillée de toute essence de merveilleux, et jamais période n'a affirmé l'exactitude de son anarchie comme en ces temps d'organisation nucléaire où l'individu va d'une génération à l'autre sans se sentir relié au moindre souci d'amélioration de son principe, détourné qu'il se trouve, et, afin d'assurer la perfection des machines inventées, de toute considération de vie intérieure, c'est-à-dire, de son être ».

L'auteur, lui, commence sa recherche dès la Préhistoire :

« Loin de dédaigner cette nature antérieure devons-nous la chérir comme une mère anonyme, cette puissance matricielle, sans laquelle nous ne serions pas »

Il avance d'âge en âge scrutant chaque civilisation, fait une pause éblouie devant le « Miracle grec » :

« L'Art grec donne une représentation des Choses, qui suppose que la Vie n'accepte pas d'être ou de rester séparée d'une partie de son essence et qu'elle entend que son mystère s'incarne dans une figuration esthétique et éthique personnifiant la totalité de son écoulement ».

Il s'arrête longuement à la période du XVIII siècle, à l'avènement de J.-J. Rousseau et l'explosion de la Révolution, faisant une pénétrante analyse de l'aristocratie, arrivée en ce

« siècle des Lumières » au sommet de l'intelligence et de la civilisation, et qui, pourtant, malgré la menace qui pèse sur elle, comme mue par un destin collectif plus fort que l'intérêt individuel, admet et encourage les idées contenues dans « Le contrat social ».

« Cette humanité, qualifiée par sa maturité intellectuelle, devine qu'une heure extrêmement importante pour le devenir de la Race va sonner, que l'élan ne peut reprendre qu'au nom d'une sorte d'absolu humain, exigeant que tout, et par conséquent l'Histoire, soit repensé ».

Une voie s'ouvre, un même courant traverse les êtres. On monte lentement de l'homme à l'Humanité. En 1907, Jules Romains publie : « La Vie unanime ».

« Les hommes ressemblent aux idées qui longent un esprit. D'eux à moi, rien ne cesse d'être intérieur ; Rien ne m'est étranger de leur joue à ma joue, Et l'espace nous lie en pensant avec nous. »

Une nouvelle civilisation se prépare ; le poète a tiré de la Révolution sa quintessence et cette vraie fraternité que dicte l'incompréhensible Amour.

Pourtant, au cours de ses investigations, Maxime Nemo va tout à coup se heurter à l'intelligence moléculaire, à la volonté créatrice et son Acte dans l'Infinitésimal. Comment devant un si vertigineux mystère ne pas tourner sa pensée vers Dieu ?

« Tout ce qui est inventorié existe ; la Science nous aide à nous familiariser avec ce langage des choses et nous passons ainsi d'une évidence à l'autre. Mais à la fin du parcours, l'anxiété, loin d'être dissipée, se pose toujours avec l'unique interrogation du « pourquoi? »

Certes, nous n'en sommes pas encore à révéler le secret du monde. Il faut développer notre intelligence, aiguiser nos antennes.

Et Maxime Nemo de conclure :

« Nous ignorons si Dieu existe. Nous dirons que son existence, en tant que principe initial, ne nous intéresse pas immédiatement, situé qu'il se trouve (ou se trouverait si nous parvenions à la perception de son Fait) à une portée qui ne saurait être la nôtre, puisque celle d'un absolu incompatible avec notre dimension. Il nous suffit de sentir intervenir à travers celle-ci ce qui peut être la conséquence de l'intention divine que nous nommons très simplement l'Amour ; cette force en qui paraît résider le principe des principes, puisque celui de la gravitation universelle