1928 : Maxime NEMO a alors 40 ans.
Ce jour , 4 février 1928 est un grand jour: j'ouvre un journal.
Je n'ai pas l'intention de raconter des faits de ma vie
extérieure mais d'essayer d'y noter ce qui me paraîtra bon
de l'être. J'ai écrit juste ici sans une note,, sans un
plan préalable et il est bien possible que l'absence de
concertation de mes pensées, l'oubli qui se produit fatalement
m'ait été préjudiciable.? Je verrai bien si la
nouvelle mémoire qui coexistera à inscrire ici certaines
impressions ou réflexions me sera favorable.
Il arrive dans la vie un moment où l'on désire se
connaître aussi à fond que possible. Jusque là
j'aurai 40 ans. cette année m'a donné à la vie.
Comme me le faisait observer Coasse (?) l'autre semaine, à 40 ans on
fait le compte avec ses amis. Jusqu'alors on s'est jeté à
leur tête, on a tout tiré de soi pour eux; à cet
âge, on commence à faire le compte de ce qu'ils vous
offrenbt en échange. Or, la vie est une grande amie, surtout
quand on est dans la période ascendante. On l'aime donc en
être qui dispose de ce capital évaporé
tous les jours: une vie derrière soi, une petuite
éternité pour le regard d'un jeune homme. Je suis
donc arrivé à ce moment où il faut faire le
compte et, peut-être aimer avec la même
générosité quoiqu'avec un semblant de
parcimonie . 40 ans ! Le montant qu'il faudrait pouvoir "stabiliser ".
On est au milieu du pont - on suit l'aval et l'amont, les deux rives si
proches on est au milieu de l'idée de la naissance et de la
mort. Quel beau moment.
Un roman à faire : "l'Isolée" Une jeune fille
élevée avec le raffinement de certaines E.N.
femme intellectuelle mais élégante, jetée dans
un milieu sordide de paysans ardéchois. L'hostilité
causée par son élégance,
son..........modérément laïque, son désir de
bien faire- prise petit à petit dans l'isolement que crée
son raffinement, livrée à l'homme qui passe, artiste
peintre, marié, sérieux, mais seul dans ce trou, peu
inhumain que le ...... auberge où vit aussi la jeune fille,
attiré vers elle et la jugeant à cause de ses bas de soie
... se laissant aller à la séduction. L'inévitable
que la nature est complice. Le tragique de l'isolement. Alternance
entre le sorcier qui "délivre " et le Père Pascal qui
condamne les fautes charnelles.... fière... al.... , une sorte
de mort morale de défaite entière après la
"secousse"- 20 ans plus tard, hanté par le souvenir ou le
remords, il revient - une femme vieille, automate, lui apparaît
qu'il voit de loin . Il ne se fait pas reconnaître. Il part
brisé. La vie à elle continue..... ( En
Aragon)
définition de l'amour
L'amour se fait à deux...quelque fois la femme est le paysage fixe et l'homme le nuage qui passe pour aller ailleurs.
4 juillet 1928
Connais-toi toi même
J'ai aujourd'hui 40 ans. est-il possible en faire une analyse parfaite
de soi même ? (parfaite car objective, car tout de même,
qui se connaît mieux que celui qui se scrute ?) je tenterai cet
effort et je ferai tout ce qu'il est possible à un homme
de faire pour parvenir à la plus rude et la plus totale
franchise.Je n'ai l'intention ni de plaider ni d'exalter mais
d'exposer. je dirai donc ce que je crois être la
vérité concernant ma nature. je suis né impulsif.
ma nature physique est en même temps froide et ardente. J'ai le
coeur (vu sous l'aspect sentimental) froid, sec et dur et je suis
cependant capable de tendresse désespérée. je pense
depuis quelques temps que ce sont les êtres, secs et durs, mais
qui se rendent compte de l'état de leur nature , qui sont les
plus suceptibles de tendresse et même de découragements
fugaces; je dis bien fugace car je ne suis pas sûr que
l'état d'abnégation
puisse chez moi, demeurer devoir permanent, le fond de ma nature
reprenant le dessus impérieusement. Suis-je capable d'un grand
sentiment ? Oui mais sentiment pour un idéal.
En somme s'il est exact que nous vivons plusieurs existences et que
chaque nouveau pas nous élève vers la perspective ou ce
qui , pour nous en tient lieu, c'est à dire la vie spirituelle,
je suis alors au centre de mon évolution: la chair ne me tient
plus pour faire de moi un passionné et cependant elle me
prend encore dans son empire car je suis voluptueux mais le mouvement
passé, je regarde d'un oeil froid l'émotion que la
volupté a causé en moi. J'en sourirai peut-être,
j'en raillerai même sans pouvoir me détacher de sa
puissance toutefois. Je suis donc au centre de l'évolution,
c'est à dire au moment où se conjuguent dans le
même état les deux états, physique, spirituel, sans
que l'un des deux domine l'autre. Il se peut que cet état soit
la cause des attitudes qui me surprennent moi même et qui font
qu'après un grand élan de tendresse, d'affection dont il
me semble impossible de me détacher, je me trouve
indifférent, froid et insensible sans qu'aucune cause
certaine puisse expliquer cette évolution. Il est possible
aussi, que pour l'amour du moins, les insatisfacations de notre
jeunesse soient la cause de ma curiosité permanente. Sensuel
mais effroyablement rêveur, je me suis formé de
la............. une .....chimérique que la réalité ne pouvait atteindre. La forme du désir
était avant tout sans finalité. De plus, ma vie errante de
pauvre hère de me permettant pas d'atteindre mes "princesses"
j'ai étanché dans le plaisir personnel le
dérivatif exigé par les impulsions de la jeune chair.
J'ai gardé longtemps ces habitudes je les ai
passionnément aimées , il n'est pas sûr que dans
mes "aventures", ce ne soit la période préparatoire qui
me laisse le moins en joie.. mais comme la vie m'a mié, comme
j'ai assez de lucidité pour comprendre l'égoïsme de
tous ces cris sentimentaux, le réflexe un jour se produit le
vieil ironiste reparaît et.. ironise. Je suis un
cérébral avant tout dans une certaine mesure, un
sceptique épris d'élégance et qui sait dans
l'amour..... quelque élégante de ... à la Chaire
sur Noir la sortie". Plus primitif, j'aurais été l'amant
romantique, moins, je serais "rangé" Je ne suis pour
l'instant que l'homme qui joue avec la passion, qui aime
exagérer ton ombre saluant que seule, une ombre apparaîtra
et qui , à cause de cela et aussi parce qu'il est la proie de
francs soucis depuis presque toujours et aussi parce qu'il sent que de
grandes Falnero (?) sont ailleurs- et dont l'ambition au moins
est en moi- se satisfait de caresser une ombre et soit heureux de
la voir disparaître. Je ne me dissimule pas tout ce qu'une
sembable attitude peut avoir de déconcertant pour autrui.
Je crois que nous somme nombreux ainsi, mais alors que je ne
modère pas mon cynisme en ces choses- parce que je ne crois pas
au tragique de l'amour- d'autres portent un masque: je voudrais
au moins me libérer de celui la.Le monde des conventions est
contre moi et voudrais m'obliger à dissimuler les exigences de
.... "moi"; je le fais certes ! afin d'éviter surtout quelque
peur, de la peine à autrui mais je n'en sors pas moins
persuadé que tout ici bas est conditionné par la
puissance du "je" (j'éprouve donc je suis) et qu'il est
peut-être nécessaire qu'il en soit ainsi. la vie
absurde. On ne peut être qu'en écrasant plus ou moins les
plus faibles. Cela est très bien si ta vie est un échange
permanent (ce que je crois) et que la mort n'est qu'une
apparence, le passage à un autre. Si la mort est la fin de
la progression de la vie , la vie puissante- il y a tant de puissance
!est une monstruosité. le terrible peut-être est que je ne
crois à rien ou que ce à quoi je serais disposé
à croire ne se réalise pas. J'en suis arrivé
à dire qu'il faut fauire la part du feu, que le mieux est de la
lui réserver et que nous perdons notre temps à juguler
un instinct qui librement satisfait deviendrait par là
même peut-être plus calme. Je ne moralise pas ici, je
cherche à m'expliquer un peu mon propre mystère, bien que
je ne sois pas certain de pouvoir le faire.
12 septembre 1928
Il ne s'agit pas de savoir ce que je deviendrai mais de ce que doit
être la vie telle que ma conscience la prévoit.
15 septembre 1928
Les moralistes "purs" qui soutiennnent des thèses semblables à celles de Julien Benda dans la "Trahison des clercs"
répètent sans cesse la parole que Nietzsche
adressait aux poètes: "Poète éloigne toi de la
place publique" voulant ainsi indiquer que le pouvoir de la perfection
réside au plan individuel et que l'individu qui a atteint
laperfection ou s'en est rapproché doit ou au moins
dédaigner le collectif. Pourtant, cela est inique et c'est
n'avoir de son humanité qu'une notion bien imparfaite que
de s'en ..........;satisfait si ce quuil'entoure est corrompu. Cette
perfection là ne serait-elle pas plutôt le
résultat du vilain défaut qu'est le contentement de soi
même.
Non ! Rien n'est achevé pour l'homme tant que l'ensemble des
conditions sociales et humaines n'a pas atteint le cercle qu'il se
propose d'atteindre lui même et cette abstention nedoit
être que la conséquence d'une certaine ........ de coeur
ou d'esprit - et peut-être - et sans doute les deux à la
fois.
Peut-on nier que le collectif soit susceptible d'évoluer
vers un peu moins d'égoïsme? je ne pense pas.
Dès lors le devoir le plus impérieux de celui qui croit
avoir trouvé la vérité n'est-il plus d'en faire
part au prochain de doucement tenter de le persuader ? Benda
reconnaît que les meoeurs se sont adoucies. mais alors ? Ce fut
bien sous l'empire des influences morales que l'évolution s'est
faite . Et une fois que le progrès a été
marqué, c'est une lâcheté d'abandonner l'homme
à ce qu'"il y a de pervers en lui.
(Notes de l'auteur : "tout cela est faux" 1954)
17 octobre 1928
"La fin de l'éternel" dit Julien Benda. Mais qu'estce qui est
éternel ? Le Dieu éternel n'est-il pas mort
à cause précisément de son
insensibilité . N'est-ce pas que mon sens me crie aussi de
parler d'éternité à des
éphémères . Le vis sans doute : que voulez vous
que me fassent vos activités de fourmis mortelles ma
pensée perdue dans l'incommensurable ne vous voit pas. Mais
alors - nouveaux vikings que nous importent à nous des
préoccupations quio ne nous concernent pas.
la lutte éternelle, gigantesque,n'est-elle pas celle que l'homme
livre aux Dieux: une étrenité qui ne concernerait pas la
nôtre: physique, matérielle et morale- ne nous concerne
pas en tant qu'individus- Nous abandonnons l'étrenel à
son splendide isolement et nous vivrons dans le nôtre.
Il fallait étendre le pouvoir de .... leurs , s'il voulait
que nous commenciions avec lui.
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la vie nouvelle (page blanche)
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28 Aout 1929
Dans toute pensée qui aspire à jouer un rôle
élevé parmi les hommes, il faut compter comme vraiment
civilisatrices ( comme seulement) celles qui se soumettent à la
hiérarchie des principes, des idées et des faits
. la méthode scientifique partant de la connaissance, par
conséquent de l'expérience est moins propre
à former le caractère que la discipline dite
idéologique. C'est que les termes se renversent selon la
position choisie..la Maxime qui explique le monde part d'un tout choisi
par définition, adlmis par principe. le fait scientifqiue en ne
voulant parvenir à la vérité que par l'observation
est obligé d'accepter 1° que son champ d'expérience
soit infiniméent limité par rapoport au monde. et 2°
de limiter encore ce champ pour atteibdre le certain. Il
rétrécit de plus en plus son explication du monde et ne
peut finalement manquer de se heurter à cette attitude de
l'esprit qui voit ou sent la pratique universelle et ne peut
- selon la .............scientist, qu"en expliquer la partie la
plus dérisoire. Si l'esprit en question porte en plus en
lui l'inquiétude de l'univers, il ne peut encore manquer de
désirer posséder uen certitude avant sa mort . la science
accepte qu'elle ne peut la lui donner puisqu'il lui est
impossible d'atteindre plus loin que la constatation. Dès lors
le conflit devient plus tragique pour l'être actuel
à peine certain de quelques réalités mais auquel
l'essentiel manque.
15 septembre 1930
Commencer par le "fini" très bien mais s'arrête-t-il ?
Il y a une vérité des objets qu'on nomme la science, mais
il est une autre réalité: la vérité des
principes. La science ne pouvant dépasser le comment. Comment
expliquer la science et la ..... pourquoi ?
On ne sait jamais si ce que l'on construit est bon ou mauvais. Il
suffit d'aimer ce que l'on fait.Quelle sera l'alimentation
dernière ou suprème de mon esprit ? je ne le sais, mais
je suis certain de ne pas me trompernen affirmant que j'ai le
désir de m'exprimer en.................ma nature et ses
possibilités non seulement du connu mais dans une
certaine mesure à la vie intelligible.
Est-ce que la représentation de l'homme est totale en effet si
elle ne réalise que la fonction de cet homme avec le
tangible. Est-ce que le plus émouvant de l'aspect humain n'ets
pas dans cette tragique poursuite de l'inconnu ?
A partir de 1925, "A" ne m'a plus accompagné dans mes voyages que de temps en temps et pour son plaisir.
Ma première vie fut toute de hasards, celle ci l'est de choix
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15 Février 1930
Alternance humaine.
17 juillet 1939 (à suivre)