Ce 17 octobre 40 27 rue de Richelieu
C'est parce que, ami,
je partage votre crainte des réactions
élémentaires de nombre aveugles, et parce que je redoute
aussi l'aveuglement orgueilleux ou intéressé (ou les
deux) d'une petite élite oligarchique à qui le
gouvernement est confié, que je me suis rallié depuis
longtemps à la solution moyenne qui était - et sera -
celled'un parti , supprimé à cause de cela
précisément. Un parti assez vaste pour être
immergé par la base dans la masse et imprégné
à tout moment des justes aspirations du Nombre - assez restreint
pour rester à tout moment une formation aristocratique
au sens étymologique du mot, disciplinée, nourrie
intellectuellement et instruit politiquement, apte à la
manoeuvre, ouverte à la compréhension et à la
communication rapide des nécessités de l'action et,
à la fois, de la doctrine, soumise à une obligation
constante de culture et d'amélioration, animée d'un grand
esprit de sacrifice, de jeunesse, d'enthousiasme et d'amour.
ce parti existait. il existera. un tel organisme, né des
contradictions sociales de notre siècle, forme le chaînon
qui manquait entre l'informe démocratie du suffrage universel et
la jalouse oligarchie du privilège. Voilà ce que
j'entendais par le peuple, car le peuple, par lui se fait entendre et
en lui se reflète. Ce parti, je m'étais approché
de lui, ces temps derniers avant la guerre et il avait forcé mon
admiration. Pourtant je ne la donne pas facilement . Et des
expériences antérieures (SFIO et autres) m'avaient
inspiré une forte méfiance de ces machiens là. Il
m'a fallu me convaincre que j'étais devant une force nouvelle et
pure, jeune et gaie, héroïque et intelligente. N'en parlons
plus. Le reste est affaire d'avenir, mais peut-être d'un avenir
proche. je suis pour peu de jours à Paris; nous quittons notre
logis parisien faute de pécune. déménagements !
Affectueusement, fraternellement à vous, ami.
Jean Richard BLOCH
Je ne m'occupe d'ailleurs plus du tout de politique , mais uniquement de poétique.