La nuit ! La nuit surtout je ne rêve pas je vois
      J'entends je marche au bord du trou
      J'entends gronder

      Ce sont les pierres qui se détachent des années
      La nuit nul ne prend garde
      C'est tout un pan de l'avenir qui se lézarde
      Et rien ne vivra plus en moi
      Comme un moulin qui tourne à vide
      L'éternité
      De grandes belles filles qui ne sont pas nées
      Se donneront pour rien dans les bois
      Des hommes que je ne connaîtrai jamais
      Battront les cartes sous la lampe un soir de gel
      Qu'est-ce que j'aurai gagné à être éternel?
      Les lunes et les siècles passeront
      Un million d'années ce n'est rien
      Mais ne plus avoir ce tremblement de la main
      Qui se dispose à cueillir des oeufs dans la haie
      Plus d'envie plus d'orgueil tout l'être satisfait
      Et toujours la même heure imbécile à la montre
      Plus de départs à jeun pour d'obscures rencontres
      Je me dresse comme un ressort tout neuf dans mon lit
      Je suis debout dans la nuit noire et je m'agrippe
      A des lampions à des fantômes pas solides
      Où la lucarne ? Je veux fuir ! Où l'écoutille ? 
      Et je m'attache à cette étoile qui scintille 
      Comme un silex en pointe dans le flanc
      Ivrogne de la vie qui conjugue au présent
      Le liseron du jour et le fer de la grille

      René-Guy CADOU