Les Journaux d ’apprentissage 

Qu’est-ce que l’apprenant a à dire sur son apprentissage.

Dans les méthodes de langue :

Remarques générales des apprenants de FLE sur la langue : «  le français est une langue difficile » « C’est une belle langue »

Qu’est-ce que ces attitudes stéréotypées veulent dire exactement ? 

Qu’est-ce qu’un journal d’apprentissage ?

A - Patrick ANDERSON au Clab de Besançon a soumis 64 asertions ou « items » à 350 apprenants dans une enquête sociologique sur leur façons d’apprendre : cela permet d’obtenir ainsi une photographie d’une population à partir de questionnaires informatiques sur une échelle à six entrées.

Consignes :

* un apprenant débutant anonyme, volontaire

* il s’agit d’ écrire dans sa langue maternelle

* Celui-ci n’appartenant pas au cours du sondeur.

« les nuages » obtenus font apparaître 36 dimensions de comportements des latinos, des attitudes d’apprentissage des Japonais , pas d’implication directe dans le Journal d’apprentissage des arabophones, seulement un emploi du temps heure par heure, en revanche six mois d’un journal d’une étudiante américaine traduit le vécu , le perçu, le senti c’est un véritable journal détaillé et intime , influencé par les récits de vie et les récits autobiographiques.

Le résultat montre que plus le contact géographique proche ou lointain fait changer les avis. L’Européen et l’Asiatique ont une approche différente à la langue française. Encore qu’il faille distinguer : les mots de la langue, la grammaire, la pédagogie.

Les conditions d’autonomisation sont fonction des conditions sociologiques et politiques : voir les réflexions de Béacco sur ce sujet.

L’autonomie accentue les différences et inégalités sociales en ce qui concerne le rôle des modèles, stéréotypes et clichés  dans le public d’un champ d’étude ou d’un phénomène comme l’a montré Moscovici dans « les représentations de la psychanalyse »

B – Marie Jo BERCHOUD de l’Université d’Artois dans Pratiques de classe FDM 286 propose dans le cadre de la mention FLE des licences de lettres et langues étrangères , un cours de langue étrangère à des débutants pendant 6 mois.

Exemples :le Chinois , Breton, le Basque, le Suédois, le Hongrois…

Ceux ci- doivent tenir un journal d’apprentissage :

Exemple de fiche indicative de structuration du journal d’apprentissage auto-observé d’une langue.

I – Qu’ai-je appris ?

1)Les contenus et les savoirs (lexique)

2)La grammaire (structure, conjugaisons..)

3)Phonétique (écoute, prononciation de tel ou tel son…)

4)Actes de langage (se présenter, demander une information…)

5)Culture : histoire du pays, coutumes…)

6)Savoirs sur soi même…

II – Comment cela s’est-il passé ?

Mes réactions :

a)Emotionnelles (= ce que je sens (facile, difficile, motivant, éprouvant pour moi….)

b)Intellectuelles (= ce que je pense utile, complexe, semblable, différent par rapport à d’autres langues….)

c)L’apprenant peut « jouer le jeu de plusieurs manières en s’impliquant plus ou moins :

de manière très convenue et formelle pour ce cours de russe  :

Grammaire : « leçon sur le verbe être. Ce n’est pas comme en français. »

Vocabulaire : « se présenter, les professions. Des mots qui ressemblent au français, c’est plus facile. Deux heures de cours ; c’est trop long. »

-de manière plus personnelle et affective pour ce cours de chinois.

Extraits : «  Aujourd’hui, on commence par un exercice de calligraphie ; le prof passe dans les rangs et discrètement corrige un geste, dit « c’est bien », regarde. A moi, il dit « Ah pas mal, pas mal, ça vient » d’un ton qui sourit. Ensuite on écoute un dialogue sur une cassette et on doit reconnaître des mots connus (est-ce qu’on dit « mots » lorsque ça correspond à des idéogrammes ?) C’est un peu répétitif, comme activité, mais le prof dit que c’est très nécessaire alors… S’il ne m’avait pas encouragé, peut-être que j’aurais eu envie de dormir, comme la semaine dernière, mais là non… »

C – Aline GERMAIN -RUTHERFORDà l’Université de Trent (Canada) utilise cette technique avec ses propres étudiants de didactique et de langue 1ère année sans corriger leurs grammaire. Ceux-ci relatent leur progression dans l’accomplissement de leur projet :

Voir le site de l’université de Trent Cours Fr110 projet #1 sur Internet.

D – Documents d’observation de classes FLE au CREDIF :

a)apprendre la grammaire d’une L2 (Henri BESSE –Credif) on dégagera à partir de ces réflexions d’apprenants, la façon dont l’enseignant lui même a conçu, assumé et orienté son cours selon quels principes méthodologiques.

b)extraits de journaux d’apprentissage d’étudiants de FLE en classe de langue inconnue (sur la traduction) par Bernadette GRANDCOLAS (Paris VIII)

E – Michèle LE DOUARON : « les journaux d’apprentissage : une expérience de l’apprentissage d’une langue nouvelle dans la mention Didactique du FLE de la licence de Lettres modernes » dans les Cahiers du Cardif n°2 Automne 86) Université d’Avignon.

a) Cette réflexion qui s’appuie sur les travaux de B.Grandcolaset propose la démarche des journaux d’apprentissage : les étudiants tiennent un journal sous forme de réponses à un questionnaire suivies d’une partie libre. Ils le remplissent à la fin de chaque séance. Ils rédigent un compte rendu final de leurs observations et réflexions :synthèse des journaux, analyse des documents vidéos, de la courbe de motivation, des dessins proposés : Les journaux constituent le contrôle continu des connaissances et l’assiduité est obligatoire au cours.

Les deux types de questionnaires ont pour but de sensibiliser, conscientiser à l’apprentissage et donc préparer à l’enseignement.

*le 1er pré-questionnaire « vécu d’apprentissage »regroupe les variable psychosociolinguistiques du passé de l’apprenant et ses projections sur cet apprentissage précis. Il s’inspire de la typologie de JY. Dommergues et U.Frauenfelder in Encrages de Paris VIII (1980) et des travaux de P.Bourdieu «  Ce que parler veut dire »(1982) de M.Stern (1983) et de R.Porquier et E.Wagner (1984)

Document p.13 à 15

* le journal d’apprentissage intitulé : « Moi et l’apprentissage » comme outil pédagogique de formation de formateurs, déclencheur de verbalisation, de conscientisation et d’auto-évaluation de soi en 24 questions réparties en 3 rubriques :

-Moi et l’apprentissage- Moi et l’enseignant – Moi et le groupe.

-Une partie libre où l’apprenant note ses remarques et observations propres.

Document p. 18 à 20 et actualisé p. 21 à 23 

b) Ce compte rendu est prolongé par le témoignage d’Elisabeth Ficheux qui parle d’une expérience dérengeante , faussée et difficile à accepter pour une enseignante de 32 ans, française qui découvre une L2 , son système graphique différent à savoir l’arabe moderne en 13h.30 et 13h.30 de réflexion sur l’apprentissage .Elle y présente une courbe de motivation très significative de l’auto-stéréotype dans l’acquisition d’une langue étrangère dans un journal qui est une théorisation du vécu à partir d’observations personnelles. P.29.sur une échelle (je hais, je n’aime pas, j’aime, j’adore sur 8 séances) Elle consigne dans 3 Journaux d’apprentissage ses réactions vis à vis de l’enseignant : je cite : «  Je ressens la correction des fautes par l’enseignant comme une agression lorsqu’elle est publique, lorsqu’elle est faite hors du groupe (au labo par exemple ) je ne la ressens plus comme un jugement, une critique mais comme une aide, une collaboration amicale. » En conclusion, Elisabeth Ficheux reconnaît que ces leçons de Niveau 0lui ont permis de prendre conscience des difficultés rencontrées et des processus d’apprentissage mis en œuvre par un débutant. En tant qu’enseignante, cette expérience n’a pas eu de retombées directes sur son enseignement en Niveau 2 mais seulement aidée à déterminer des choix dans sa pratique quotidienne plus consciente.

Hypothèse : la nécessité dans le cadre de la formation de formateurs d’une formation conscientisée à l’apprentissage et guider l’apprentissage des autres :  « il faut savoir comment soi apprend »  dit Rémi Porquier. 

En conclusion

Ce que fait l’apprenant :

Il se reconstitue un MOI idéal dans la langue qu’il apprend à travers la relation d’un vécu.

Il y a une articulation du désir d’apprendre et son implication dans l’apprentissage.

Le corpus permet de dégager les représentations du vécu et la charge symbolique

La communication est double :

du bon usage du métalangage, du « parler sur » l’apprentissage dans l’espace-temps de la classe de langue qui permet à l’enseignant une attention fine aux interactions dans la classe, une connaissance minimum de ce qu’est l’acquisition d’une langue étrangère (plans cognitifs, relationnel, affectif) et de la part des participants…une présence à eux mêmes en même temps qu’au jeu qu’est le cours.

Voir la caricature de Charb dans Télérama n°2596 : «  Comment vous ne savez pas lire ? dit un jeune prof lâché en

ZEP ? Et les élèves de répondre : Et vous vous ne savez pas encore enseigner, on n’en fait pas un fromage… ! »

Expérience d’approche des pédagogies alternatives : la suggestopédie au stagiaires du Belc , du Crédif ou du Clab…

sa place par rapport à une Institution : on oriente ses comportements par rapport à un désir mais finalement : « je veux

apprendre une langue » qu’est-ce que cela signifie pour l’apprenant débutant transplanté au CEFLE ou pour l’étudiant

français qui débarque au DEAC du Caire pour apprendre l’arabe dialectal égyptien ? 


Bibliographie sur l’observation réfléchie des apprentissages :

ALSIC « Conversations réflexives » dans les classes de langues vivantes virtuelle par conférence asynchrone » , ALSIC, vol1,n°2 ,décembre 1998

ANDERSON Patrick « la question de l’affect dans la relation apprenant-enseignant » in Travaux pratiques de didactique du FLE n°31/1994 Université de Montpellier
Patrick Anderson -Université de Haute-Alsace -10, rue des Frères Lumière 68000 Mulhouse,
        Département des Lettres FLSH ; responsable de la filière FLE .
        Thèse : " Apprendre une langue étrangère ? Enjeu de la parole de l'apprenant et constitution du moi "
        Université de Besançon - 1990 - sous la direction de Jean Peytard.
        Bibliographie sur les travaux de Bailey KM et Schulman ( UCLA - USA) sur les journaux d'apprentissage.
        Ouvrage : " La didactique des langues à l'épreuve du sujet " (1999) Presses Universitaires Franc-Comtoises

[1]BEROCCHINI P. et CONSTANZO E. Autonomie de l’apprenant, autonomie de l’enseignant in Méthodes et méthodologies n° spécial du Français dans le monde Janvier 1995.

BESSE Henri & PORQUIER R. Grammaire et didactique des langues, (1984) coll.LAL,Hatier-Crédif.p.262

La situation sociolinguistique des acteurs B- L’apprenant p.14 à 21 Chap.1 de L.Dabène, in Variations et rituels en classe de langue-Langue et apprentissage des langues Crédif- Hatier LAL 1990.

BERCHOUD Marie Jo (Université d’Artois) in FDM 286.Grille de structuration d’un journal d’apprentissage.

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